Le tabagisme demeure l’une des principales causes de décès et de maladies évitables dans le monde, y compris en Tunisie. Selon les données du Ministère de la Santé, chaque année, le tabagisme tue plus de 13 200 Tunisiens, avec 49% de ces décès parmi la population âgée de moins de 70 ans et 18% dues à l’exposition secondaire à la fumée, soit des fumeurs passifs. Au vu de l’efficacité très limitée des stratégies de prévention et de sevrage, l’approche de la réduction des risques fait débat auprès de la communauté scientifique, et plusieurs experts proposent actuellement de l’adopter afin d’atténuer les effets néfastes liés au tabagisme. Cette approche vise à fournir aux tabagiques qui continuent de fumer des alternatives moins nocives.
Le tabagisme en Tunisie
Le tabagisme est un problème de santé publique majeur en Tunisie, contribuant de manière significative à la morbidité et à la mortalité prématurée. En effet, le tabagisme touche 43.3% des hommes adultes et 2% des femmes adultes en Tunisie et engendre des pertes économiques de 5.7 milliards de dinars. Ces chiffres reflètent la nécessité d’adopter des stratégies plus efficaces pour réduire la prévalence du tabagisme dans le pays. Intervenant lors d’une table ronde en mai dernier organisée à l’occasion de la journée mondiale sans tabac, Dr Dhaker Lahidheb, cardiologue et ancien professeur à la faculté de médecine de Tunis a déclaré : ‘’ Fournir des moyens d’arrêter de fumer aux fumeurs coûterait beaucoup moins à l’État que de leur pourvoir des soins par la suite. Selon les dernières statistiques du ministère de la santé, la prise en charge des maladies liées au tabagisme coûte à l’État 2 milliards de dinars par an et représente 1,8% du PIB de la Tunisie’’.
La Réduction des Risques liés au tabagisme : Concept et Approches
La réduction des risques liés au tabagisme repose sur l’idée d’inciter les fumeurs à utiliser des alternatives moins nocives, telles que les cigarettes électroniques, les produits de tabac chauffé ou encore les pochettes de nicotine.
Réduction des substances toxiques : L’objectif est de réduire l’exposition aux substances toxiques produites par la combustion du tabac dans les cigarettes. Contrairement au tabagisme traditionnel, où la combustion génère des milliers de composés chimiques, les produits de réduction des risques produisent significativement moins de substances toxiques, ce qui pourrait diminuer les risques pour la santé
Potentiel de sevrage : Les produits de réduction des risques offrent aux fumeurs une alternative qui peut aider à réduire progressivement leur dépendance à la nicotine, voire à arrêter complètement. Le meilleur exemple de l’utilisation de la vape comme moyen de sevrage nous vient du Royaume Uni, où les autorités sanitaires ont considéré la e-cigarette en tant que solution et non comme une menace. Les instances sanitaires ont combiné mesures répressives – telles que l’augmentation des prix des paquets de cigarettes, l’instauration du paquet neutre ou encore l’interdiction de fumer dans les lieux publics – et mesures incitatives comme encourager les fumeurs à basculer vers la vape pour arrêter de fumer (la campagne « Swap to stop »). Depuis 2010, le tabagisme est passé de 20% à 13% au Royaume Uni, ce qui représente une baisse de plus d’un tier.
Impact sur la santé publique : En encourageant les fumeurs à passer des cigarettes à des alternatives moins nocives, la réduction des risques peut potentiellement réduire le fardeau des maladies et de la mortalité associées au tabagisme en Tunisie. La Suède, championne d’Europe dans la lutte contre le tabagisme, avec une prévalence de 5.6%, a réussi à baisser le taux de mortalité lié à ce fléau en adoptant la réduction des risques comme stratégie depuis plusieurs années. En effet, dans un rapport réalisé par la commission suédoise des produits oraux à la nicotine, les hommes suédois présentent la plus faible incidence de décès attribués à des maladies liées au tabac dans l’Union européenne, en partie grâce à l’utilisation d’alternatives moins nocives et sans fumée (Smokeless Tobacco) tel que le Snus.
Dans le contexte tunisien, où le tabagisme demeure un problème de santé publique majeur, la réduction des risques liés au tabagisme pourrait représenter une solution sérieuse afin de réduire les décès et les maladies liés au tabagisme. Cependant, il est essentiel de mettre en place des politiques, cadres et réglementations appropriées pour garantir une utilisation optimale et contrôlée des produits alternatifs non combustibles. Cette approche, associée aux autres mesures classiques de lutte antitabac, pourrait contribuer à améliorer la santé de la population tunisienne à moyen et à long terme.